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Les Chevessand
16 décembre 2016

Les deux oncles (t5 b) - suite

Les deux oncles – Eugène et Francis
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             <><> SOMMAIRE
<><> 
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Concerto pour deux frères :
voir Les deux oncles (1)
Le drôle de jeu d’Eugène
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10- La noce de Francis et Germaine        
p 26-29
Le retour de l’enfant prodigue
  
11- Un retour aux sources                          p 30-32
   12- Souvenirs, souvenirs…                         p 33-34
   13- Naine au Pichet                                     p 35-37

La noce de Francis et de Germaine

Si les deux frères étaient si différents, et même à l’opposé l’un de l’autre, leur femme était à leur image. C’était comme une espèce de mimétisme, une osmose qui se dégageait de leur couple, une connivence des gestes, une identité dans l’apparence même, qui frappait au premier regard.

Jeannette avait d’Eugène une longue silhouette élancée, encore allongée par la minceur de son corps, et ce doux regard qui l’avait fait craquer. La guerre avait précipité leur union, mariage à la sauvette pour donner des droits à Jeannette en cas de pépin. La vie d’un Résistant ne tenait qu’à un fil, ne valait pas plus qu’une vie pendant la Terreur révolutionnaire.  

Un petit tour par la mairie, un bon repas en ces temps de pénurie (Francis n’y fut pas pour rien) entre copains de la profession, Alfred, Robert et sa compagne, leurs apprentis et Francis sur qui on comptait aussi pour mettre l’ambiance. Pas d’église dans ce milieu assez anticlérical. Jeannette n’y aurait pas été opposée par respect des conventions, de la famille, mais pas seulement. Pour avoir « un beau mariage, avec l’apparat propre à l’église catholique », avec l’entrée solennelle dans l’église et son décorum.

Eugène ne voyait pas l’intérêt de tout ce "tralala". Pas de famille, juste les potes et basta. Et puis, c’était la guerre, on avait d’autres préoccupations. Jeannette n’insista pas. Elle connaissait ses limites ou plutôt l’entêtement d’Eugène dans certains cas. Et puis, elle aussi avait d’autres soucis, inquiète des disparitions soudaines d’Eugène, de ses airs de conspirateur qui en disaient long sur ses activités… extra professionnelles. « Moins tu en sauras mon amour, et mieux ce sera, crois-moi. »
Ce qui n’était pas fait pour la rassurer.

Il savait qu’il la mettait en danger, ce qu’elle acceptait comme une preuve d’amour. Eugène aurait préféré la mettre à l’abri, qu’elle reparte au village à Saint-Georges, mais allez raisonner une femme amoureuse. « Ah, tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça » lui répondait-elle en plaisantant.
Il n’insistait pas.

Le problème finirait par se régler de lui-même quand Eugène dut quitter nuitamment Lyon pour aller se faire oublier dans sa Maurienne natale.
Germaine n’était pas Jeannette. Elle avait déjà accepté d’attendre la fin de la guerre pour convoler et, de sa part, ce n’était pas une mince concession. En revanche, sur le déroulement du mariage, elle savait ce qu’elle voulait et en l’occurrence, elle voulait « le grand jeu ». C’était son mot. Non négociable. Francis pouvait bien tempêter, taper du poing sur la table en la traitant de « fieffée femelle », il savait sa révolte vaine.

Elle possédait aussi des idées bien arrêtées sur tous les sujets, et d’abord sur l’organisation de son mariage. Des images plein la tête qu’elle rêvait de réaliser. Un « beau mariage », signe extérieur d’une réussite qui n’était alors qu’un mirage qu’elle comptait bien réaliser le plus rapidement possible. N’importe, elle désirait d’abord marquer les esprits dans son village, valoriser sa famille à travers le prestige de son mariage.
Bien sûr, la réalité était moins idyllique. La guerre était finie mais les temps étaient toujours aussi difficiles, même dans une région qui avait plutôt moins souffert de la guerre que beaucoup d’autres et avait connu peu de destructions.

Mais Francis avait de la réserve… et Germaine de la famille. Lui et son sens du travail, elle et son sens des affaires : ils étaient faits l’un pour l’autre. L’éclat de la noce rejaillirait sur l’éclat de la famille, une aura qui valoriserait la place de la famille Groboz dans le village. S’imposer ainsi permettait de montrer à la communauté l’image d’une famille unie, prospère et déterminée qui pouvait mener "grand train" quand elle l’avait décidé.  

Une aubaine aussi, une aubaine à saisir en ces temps d’après-guerre, temps de redistribution des cartes : déclin des familles trop marquées par la collaboration, onction des familles marquées du sceau de la Résistance. Une référence où les graves événements de la libération hantaient encore tous les esprits. D’une façon générale, la Maurienne avait chèrement payé son esprit de rébellion, sa volonté de s’opposer à l’occupation de la région.

Que ce soit ici du côté de Termignon dans la Haute-Maurienne, où se déroulait la noce ou dans la chaîne des Hurtières, la répression avait été terrible. Saint-Georges par exemple le paya lourdement en mars et en août 1944, où la commune fut en partie incendiée.
Dans toute la Maurienne, ce genre d’événements a profondément marqué l’inconscient collectif des villages qui ont le plus souffert et figé pour longtemps la géopolitique locale. C’est dans ces conditions de recomposition de la vie locale que s’inscrit le mariage de Francis et de Germaine.

 Les préparatifs sont choses sérieuses, c’est pourquoi elles sont dévolues aux femmes. Les hommes ne sont pas assez sérieux, pas seulement quand ils ont dix sept ans. Germaine, qui faisait toujours tout sérieusement, se montra une organisatrice hors pair. Les femmes firent des merveilles d’inventivité pour recycler des vêtements d’avant-guerre et réaliser des toilettes dignes d’un beau mariage. On confectionna des kilomètres de guirlandes multicolores pour tout décorer, des quantités de bouquets pour égayer l’église et la salle de réception.

Germaine était aux anges. Elle avait fait le siège du curé pour disposer de la grande salle de réception accolée à la cure et il avait fini par céder à son insistance et son entregent, malgré qu’il sûr son peu d’attachement à l’église. Pour l’ambiance, elle engagea deux accordéonistes venus de la région lyonnaise, deux violoneux de la vallée pour sacrifier aux rites locaux, des saltimbanques pour amuser l’assistance aux moments clés de la soirée et même un animateur pour régler les réjouissances.

Quelques jours plus tôt, le père Groboz entreprit Francis qui, même s’il était plutôt radin, aurait donné cher pour se trouver ailleurs. « Un contrat de mariage » avait exigé le vieux renard. Comme chez les bourgeois. À cette injonction, Francis aurait dû exploser, l’envoyer paître, il avait une furieuse envie de lui répondre « pas question, non mais… allez vous faire foutre… » Oh, que ça l’avait démangé… mais que n’aurait-il pas fait, combien de couleuvres n’aurait-il pas avalé pour sa Germaine, pour l’admirer dans sa robe blanche à volets qu’on disait magnifique (qu’il n’avait bien sûr pas vue), parée de tous ses bijoux, nimbée d’un sourire radieux qu’il avait hâte de voir.

Le père Groboz tentait tant bien que mal de se justifier : « Tu comprends mon garçon… la famille… la terre (ah, la terre…), léser mes autres enfants… » mais Francis n’écoutait pas vraiment, pas plus qu’il n’écouta le notaire lui débiter de sa voix monocorde les clauses du contrat. « Monsieur Francis Menier, êtes-vous d’accord avec les termes de cet accord ? Monsieur Francis Menier, voudriez-vous signer ici ? »

L’obséquiosité de ces gens, ces questions qui n’en étaient pas, leurs sourires pour vous extorquer une signature. Francis leur aurait volontiers tordu le coup ; il n’aurait d’ailleurs pas eu beaucoup de mal.
Oui, il voulait bien tout ce qu’ils voulaient, qu’on en finisse le plus vite possible. Les hommes de loi, leur carcan juridique, leur jargon de mépris, leur morgue sous les sourires de circonstance, voilà l’ennemi, se disait-il. Francis s’était senti comme absent, étranger à lui-même, sur une autre planète, lui qui avait toujours les pieds sur terre. Oui, pour une fois, étranger à un univers qui ne lui disait rien de bon.

Oh, Il connaissait bien l’existence d’autres mondes dans ce foutu monde, le monde d’une guerre qu’il était parvenu à esquiver, dont il avait réussi, comme beaucoup de Français, à se tenir à l’écart, comme on tente de passer à travers les gouttes, et maintenant ce monde des bourgeois qui lui paraissait aussi dangereux que l’autre.

S’il était un sentiment qui le rapprochait de son frère, c’était bien celui-là : la société était mal foutue, elle leur était hostile. Mais si Eugène voulait la changer, Francis s’en accommodait, se contentant de la critiquer à tout propos. Il essayait simplement d’en tirer le maximum, de se faire « une place au soleil ». Et accessoirement de montrer aux Groboz qu’il les valait bien et qu’il considérait son contrat de mariage comme "du pipi de chat".
De toute façon, à la première occasion, il réserverait au père Groboz un chien de sa chienne. Les temps changent et le revanchard qu’il était, comptait bien que les choses évolueraient un jour ou l’autre en sa faveur.

Germaine, joyeuse et affairée, tout à ses préparatifs, ne devinait rien de sa colère rentrée et de son impatience à retourner à ses affaires avec elle, de fuir ce pays et sa famille. Ils n’étaient pas prêts de le revoir par ici, foi de Francis !
Le bonheur de Germaine fut décuplé quand elle reçut en cadeau "les ors du mariage", des bijoux de famille qui scellaient leur union et attestaient de la pérennité de la lignée. Elle reçut en particulier une chaîne en or avec coulant armorié, une superbe marquise, bague à péridot au long chaton vert tendre et un bracelet en or serti de grenats.

Ah, il fallait qu’il l’aime sa Germaine pour supporter tout ça et enfiler ce costume dans lequel il se sentit comme un poisson hors de l’eau ! De personne d’autre, il n’aurait enduré les affres de la présence d’importuns, des bourgeois contents d’eux qui lui tapaient sur les nerfs.
De la noce, Francis n’a gardé que peu de souvenirs. Tout allait trop vite, la tête pleine du bruit des flonflons de la fête, la musique et les chansons d’invités que, pour beaucoup, il ne connaissait pas, les jeux bruyants, les cris des enfants…
Il revoyait cependant plus nettement son grand oncle galonné qui avait fait carrière dans les bataillons d’Afrique, qui "portait beau", dont le bel uniforme d’officier aux plis parfaits avait fait tant d’effets sur la famille Groboz.  

Il revoyait justement le père Groboz, son air bougon des mauvais jours, sa hargne devant la prestance de l’oncle capitaine, fâché de ce qu’il considérait comme une mésalliance malgré le contrat de mariage arraché à Francis. Il revoyait...

Surtout, il revoyait sa Germaine sérieuse et appliquée, écoutant "religieusement" le curé égrener les préceptes habituels du mariage, bercée par la musique imposante d’une cantate de Bach. Tout dans cette ambiance solennelle lui montrait la gravité du moment tandis que Germaine signait le registre sans un sourire, visiblement très émue.
Il la revoyait nettement, avec un pincement de cœur, si rayonnante sur le parvis de l’église, toute rosissant dans sa superbe robe blanche à volants.
L’image qui lui resterait de cette journée. 

   
Le village au dabut des années 50           Leur salle de classe

Le retour de l’enfant prodigue

Un retour aux sources
« Je me considère très peu comme un être unique… mais comme une somme d’expériences, de déterminations… en dialogue avec le monde. »
Annie Ernaux, "Mémoire de fille"


À cette heure, le centre de Saint-Georges était désert. Quelques paysans sur leur tracteur se hélaient bruyamment en revenant des champs, s’arrêtaient au bistrot, trop heureux de rompre la solitude de la matinée. Le bistrot « chez Lulu » qui s’appelait toujours ainsi bien que la Lucette en question fût disparue depuis longtemps, prenait une chaude ambiance vers midi quand les paysans et les ouvriers de la scierie voisine se retrouvaient et discutaient devant une suze ou un pastis. On se parlait d’une table à l’autre, élevant le ton pour se faire entendre, on apostrophait la patronne, trop contents de cette parenthèse dans la routine quotidienne.

Le bistrot, seul rescapé des commerces de la commune, dégommés l’un après l’autre comme des cibles à la fête foraine. D’ailleurs, celle-ci aussi avait vécu, emporté par le vent du changement avec la course cycliste du lundi. Eugène ne savait pas s’il devait s’en inquiéter ou s’en réjouir mais il avait un petit pincement de cœur devant cet inéluctable qui lui donnait un coup de vieux. Il se surprit à penser, se reprochant ce romantisme déplacé,  « ah, ici dans ma jeunesse, il y avait l’épicerie de la mère Trincard, on allait y acheter quelques bâtons de réglisse, des friandises pour quelques francs. »  

Nostalgie dont il se défendait en général dans le théâtre de la vie. Sur la grande bâtisse tout en longueur à côté du bistrot, on distinguait encore en lettres bleutées, délavées par le temps, qui se détachaient sur une façade jaunie : "Alimentation général dépôt de gaz, livraisons à domicile." Inscription qui s’effaçait peu à peu, lettre après lettre, et deviendrait vite illisible, comme des images qui s’éloignent dans les arcanes de la mémoire.

Le travail, la vie, s’étaient déplacés sur la montagne d’en face, vers Saint-François Longchamp, ses remonte-pentes et ses touristes qui, l’hiver venu et l’or blanc répandu sur les pistes savamment damées, remplaçaient les vaches dans les pâturages transformés en champs pour skieurs. Cette neige qu’on maudissait alors dans ces montagnes où sa venue signifiait entrer en hibernation, rester au coin de l’âtre pour s’adonner aux menus travaux d’entretien et de réparation, était maintenant bichonnée et le domaine skiable entretenu avec une patience infinie . 

Comme un film qu’on déroule pour retrouver des séquences, il s’efforçait d’y distinguer des repères, de faire coïncider sa mémoire et la réalité, hier et aujourd’hui mais beaucoup de choses avait changé, on avait saccagé ses souvenirs. Les images du passé se perdaient dans ces espaces reconfigurés et il se demandait si sa tête défaillait ou s’il s’était égaré dans un autre décor. Et aussi, ce qu’il était venu faire ici. Un pays, c’est comme un ami, quand on s’en éloigne trop longtemps, les retrouvailles sont parfois pénibles, fastidieuses.

Ces fameuses racines dont on lui rebattait les oreilles et dont il pensait qu’elles n’étaient que frilosités de sédentaires, il en ressentait la puissance et le danger aussi d’y être trop attaché pour pouvoir s’en éloigner, tout en étant fâché contre lui-même d’être revenu ici pour y retrouver ce qui n’existait plus.

Après quelque hésitation, il pressa le loquet de la porte du bistrot et fut vite saisi par son ambiance colorée, on s’interpelait sans gêne, en habitués, les volutes de fumée s’effilochaient en toiles arachnéennes, dansant au plafond. La tenancière, qu’on appelait aussi Lulu, avait ouvert la porte du fond qui donnait sur une petite cour intérieure pour évacuer cette fumée qui prenait à la gorge. Ici au moins, constata Eugène, l’endroit avait peu changé, toujours ce bleu pisseux aux murs, reprisé par des rebouchages jamais repeints, toujours le même long zinc patiné, maculé à la base par les souliers des clients qui buttaient contre le bois derrière lequel trônait Lulu et son rire communicatif.

Son père, le Loulou Chabert passait la tête de temps en temps, se mêlait à la conversation ou revenait de la cave avec un casier de bouteilles à la main. Depuis des années qu’ils ne s’étaient vus, il avait à peine changé le bougre, poivre et sel maintenant, et sa grosse moustache blanchie, mais toujours ce regard clair et bienveillant que Lulu avait hérité de son père. L’ancienne resserre servait maintenant de seconde salle, avec des banquettes sur le pourtour et un superbe billard au milieu. Son visage s’éclaira dans il aperçut Eugène au comptoir.

« Bon sang, mais c’est pas vrai, le bel Eugène est de retour, le Naine nous est revenu ! » Le Naine, un diminutif d’Eugène, c’est ainsi qu’on l’appelait souvent dans sa jeunesse. Inutile de dire que quand il entendit ce surnom que même son frère n’utilisait plus, il fait un sacré bond en arrière.
Et ils échangèrent de grandes embrassades devant l’assemblée médusée, se demandant qui pouvait bien être « ce bel Eugène » que personne ne semblait connaître. Mais Eugène n’était guère d’humeur à s’attarder et après avoir poliment trinqué avec le patron, il s’éclipsa.

A peine sorti, il fut rattrapé par Marcel, un grand gaillard qui devait avoir son âge, tout en os et une gueule de boxeur, le nez fort et les oreilles fortement décollées. Il l’avait déjà reconnu d’un œil au fond du bistrot discutant avec son frère Martin. Sacrée paire que les deux frères Berre qu’on prenait pour des jumeaux tant ils se ressemblaient, des forces de la nature qui n’avaient laissé entrer le progrès dans leur étable qu’à doses homéopathiques. Eugène le raccompagna jusqu’à sa ferme au bas du village.

Ici, rien n’avait changé, même le tas de fumier semblait d’époque ; les belles pierres des murs plus que centenaires étaient noircies par la fumée, la suie de l’énorme cheminée qui barrait tout un mur de la grande pièce du bas qui servait de cuisine, de salle à manger et de salon. Ces beaux messieurs de la ville, friands d’authenticité,  la feraient aussitôt classer monument historique s’ils avaient eu vent de la qualité authentique de sa rusticité singulière. Une pièce unique… pas tout à fait puisque son frère Martin possédait la même juste en face. Les deux frères, restés célibataires, n’avaient jamais voulu vivre ensemble. Ils travaillaient ensemble mais dans l’intimité, chacun chez soi.

Marcel sortit une bouteille de rouge de son crû et Eugène craignit déjà pour son estomac.
- C’est fini, dit-il à Eugène sans ambages, son regard parcourant le tour de la pièce. Plus de fourrage, plus de bêtes à l’étable, on est trop vieux à présent. Comme les vieux chevaux, à la réforme… chez les humains, on appelle ça la retraite.  IL est vrai que mon frère Martin a connu des problèmes de santé l’hiver dernier, oh je te rassure, rien de bien grave, mais qui l’ont beaucoup affaibli. Eh oui, la retraite ; le père n’avait jamais compris : « Ah, la retraite, s’exclamait-il, être payé pour ne rien faire, c’est le monde à l’envers. »
Il critiquait son père mais en fait, à une génération d’écart, il était comme lui, déphasé, dépassé par des évolutions qu’il rejetait en bloc.

« On est les derniers dinosaures, après nous, terminé. Personne pour continuer, personne pour reprendre le flambeau  et entretenir les pâtures. Le désert français, tu vois Eugène, il est bien là dans nos campagnes, dans nos montagnes. Tout repartira à la nature, heureusement que nos pères ne sont plus là pour voir ça ! »

Eugène savait tout ça. Il aurait même pu finir les phrases de Marcel tant il avait souvent entendu ce genre de discours. Son père aussi pensait la même chose. Histoire de génération. Après eux, le déluge. Il oubliait simplement, ce brave Marcel, que les jeunes quittent moins souvent le pays qu’auparavant, qu’ils transforment leurs vieilles bâtissent en gîtes, qu’ils deviennent guides de montagne ou moniteurs de ski tout en continuant à gérer l’exploitation agricole.
Et Eugène se demandait s’il deviendrait comme Martin et tous les autres, hermétique aux évolutions comme si, de toute éternité, le monde devait rester immuable, exactement  comme il l’avait trouvé à sa naissance.  

Il se disait « non, quand même je ne deviendrai pas ainsi, sourd au bruit du monde moderne, aveugle à ses évolutions. » Mais peut-être que vieillir, c’est ça, refuser de voir, d’entendre, verrouiller ses sens et se replier sur soi parce que le passé rassure en renvoyant comme un miroir sa propre image, ressentir dans son être l’antinomie entre hier et demain. 
Pour Marcel comme pour ses semblables, l’avenir apparaît comme une peau de chagrin. Le monde arrive toujours à s’en sortir, pas l’homme.

      Le village en hiver

Souvenirs, souvenirs…

« Un jour, il n’y aura plus personne pour se souvenir. Ce qui a été vécu par cette fille, nulle autre, restera inexpliqué. Vécu pour rien. »
Annie Ernaux
, "Mémoire de fille"


Eugène s’interrogeait lui aussi sur la possibilité de saisir la réalité d’alors, qui remontait si loin dans sa mémoire. Comment cerner quelque soixante ans après, le jeune homme qu’il était, n’était-ce pas présomptueux de vouloir, à travers ces reliquats de souvenirs, ces réminiscences passées au tamis du temps, de vouloir "abolir l’intervalle" des années, d’en suivre le trajet, d’en reconstituer l’improbable puzzle ?      

À contempler ces paysages jadis familiers, tout lui revenait. Même sil n’était pas venu depuis longtemps, même si "ses" montagnes lui avaient manqué. Tout, sans doute pas… ses souvenirs s’étaient épurés au fil des années comme une eau au fil de ses décantations.

Au-delà de la permanence des paysages, lui revenaient les visages de sa jeunesse dont bientôt, il serait d’un des derniers à en avoir gravé l’image. Oh, des parcours si communs somme toute, des gens simples qui ne visaient pas la lune –ils n’avaient pas été élevé avec ce genre d’idée- mais fies de leur savoir-faire, de leur altérité, imperméables à tout jugement réducteur. Qu’en est-il maintenant que, très certainement, ils sont presque tous disparus ceux de cette génération, emportés dans « la fosse commune du temps » comme chantait Brassens, se disait Eugène.

Il se rappelait d’abord de quelques figures marquantes, Joseph le maquignon –qu’il n’aimait pas- qu’il craignait aussi- portant avec orgueil sa grosse bedaine comme un trophée, un signe distinctif de sa réussite, le verbe haut,  imbu de lui-même. Un type qui adorait porter beau, n’hésitant pas à payer des tournées d’un geste chevaleresque chez "Lulu" rien que pour se faire mousser.
En gros, aimant se faire remarquer, faire voir qu’il était là et qu’il comptait.

Il revoyait aussi l’autre grand maigre de Briquet, portant bien nanti celui-là, mais qui n’en avait jamais assez, une soif inextinguible de possession qui ne lui a pas porté chance. Un type bizarre aux longs membres, qu’on appelait "l’atèle", toujours à fureter, à lorgner le bien d’autrui, un bileux jamais satisfait de son sort.

Il fallait les voir ces deux là, si différents, inconciliables, chez "Lulu" partir dans des discussions sans fins, s’interpeller d’une table à l’autre, peu importait le sujet, le Joseph de sa belle voix grave dont il abusait, le Briquet de sa petite voix chevrotante qu’il poussait pour être à l’unisson de Joseph.
Animation garantie.

Et la grande Catherine à la réplique cinglante, et la belle Jeanne si discrète, aux yeux si doux, et tous les autres… enfouis dans son souvenir, émergeant parfois de l’anonymat à travers une voix particulière, des gestes singuliers, une anecdote marquante. « Ces noms dormaient dans ma mémoire, mais ne se sont pas effacés » a écrit Patrick Modiano, l’explorateur de la mémoire,  dans L’herbe des nuits. La part d’ombre et de lumière bien sûr, du moins ce qu’on en connaît, ce qu’on en voit de l’extérieur, le clair-obscur de l’âme humaine.
Et maintenant le silence.

En s’obligeant à cet effort de mémoire, Eugène les revoyait tous ceux d’ici, figés dans des instantanés, leurs attitudes, leurs petites manies, leurs petites mimiques, tels qu’il les avait connus dans sa jeunesse, un sourire nostalgique aux lèvres, quand il évoquait les petits bonheurs du quotidien.

Des bonheurs simples pour des gens simples qui avaient, chacun à leur façon, accepté leur condition, sans désirs de grandeur, avec des rêves raisonnables.
Une relation immanente à la nature qu’ils contribuaient à entretenir, à modeler, au divin aussi qu’ils voyaient le plus souvent comme une manifestation du pouvoir bienfaiteur, nourricier d’une terre porteuse autant de récoltes que de calamités.
Ils possédaient en fait une vision unificatrice de la vie. Une espèce d’inconscient collectif dont Eugène se demandait dans quelle mesure il en avait hérité.

Au pays, on pratiquait plutôt la polyculture selon des pratiques culturales ancestrales et les contraintes propres au travail en montagne. Une vie difficile à comprendre aujourd’hui où tout a changé, les modes de vie, les mentalités,  en un temps à la fois si proche et si lointain.
Jadis et naguère.

On vivait alors surtout de l’élevage, le lait et ses produits dérivés, en s’efforçant de se suffire à eux-mêmes, de vivre le plus possible en autarcie. Comme pour se protéger des apports extérieurs, comme si tout danger éventuel ne pouvait venir que d’un ailleurs aussi énigmatique que redoutable.

Eugène imaginait toutes les boutiques aujourd’hui disparues, les commerces indispensables, la crèmerie de la mère Canard, le bureau de tabac des sœurs Labèque, aussi dissemblables l’une de l’autre, la plus jeune une petite boulotte toujours, pépillant et son aînée, une grande sèche et revêche, et même la minuscule échoppe du cordonnier, le père Gobert.

Des images si nettes qu’elles semblaient dater de la veille, et non remonter du fond de sa mémoire car, toujours selon Patrick Modiano, « les mots resurgissent, intacts, comme les corps de ces deux fiancés que l’on avait retrouvés en montagne, pris dans les glaces, et qui n’avaient pas vieilli depuis des centaines d’années. » 
Parfois, des hommes existent encore mais le monde qu’ils portaient a disparu. En tout cas, tous ces hommes disparus auxquels il pense, cette génération précédente qui était sa jeunesse, n’existe encore que par le fragile lien du souvenir, ultime et dérisoire rempart contre le néant.

Des commerçants, des artisans aussi rythmaient alors la vie de la commune, organisant les rares événements qui mettaient un peu d’animation au village. C’est à travers ce genre d’images, se disait Eugène, qu’on s’aperçoit vraiment de la fuite du temps, de la nostalgie qui l’accompagne, parfois de la montée subite d’une angoisse qui vous laisse sans force et sans projet.

Ces images affleuraient peu à peu, prenant forme dans les détails, reconstituant l’ensemble, lui rendant toute sa densité, intercalant le vivant dans des clichés qui s’enchaînaient. La situation, les événements ne s’écoulaient plus en flots continus mais comme autant de respirations ponctuant tous les aspects de la vie d’alors.

À ce moment-là, dû sans doute à une association d’idées qu’il n’aurait su expliquer, il fut frappé par le vide de sa vie depuis un an. Qu’avait-il vécu de mémorable qui fût vraiment digne d’intérêt, que son corps pût enregistrer comme la madeleine de Proust. Tout bien pesé, il n’y voyait qu’une myriade de faits anodins et ce constat le désola profondément.

      L'église du village

Naine au Pichet
Naine parcourut le raidillon qui montait au Pichet, effleurant de ses doigts effilés les maigres épis d’orge qui folâtraient le long du chemin sur le talus, échappés d’un champ voisin. Leurs fines tiges s’agitaient un peu en s’offrant au vent  et ses doigts glissaient doucement sur les longues barbes.

Il coupa un épi et le dépieuta comme on effeuille une marguerite, un maigre épi qui avait gagné sa liberté sur ceux des champs, sagement alignés  dans les sillons.  Cette évocation du travail des champs tenait aussi à l’odeur de foin qui se dégageait des meules qui jonchaient encore les terres en contrebas. Toutes ces images, ces odeurs oubliées, ressuscitées qui jouaient à cache-cache avec sa mémoire, le ramenaient à son enfance bucolique, lui laissaient une impression indicible, images itératives comme une bande d’Andy Warholl avec ses dégradés de couleurs.

L’idée que c’était un autre qui jadis sautait dans un champ de luzernes qui s’étendait à ses pieds ou qui jouait avec son frère Francis qui soufflait bruyamment en courant ou traînait la jambe en geignant après une chute dans un fossé. Toine le voisin, grand échalas, vêtu d’une espèce de blouse de vacher, bon compagnon toujours content et sifflotant, et sa sœur Etiennette, petite futée qui n’aimait pas son prénom et encore moins qu’on l’appelle Titine ; ce que bien sûr les deux frères ne manquaient pas de faire et la mettaient dans une rage folle. Elle jurait ses grands dieux de ne jamais les revoir ces deux abrutis mais ne tenait guère plus de cinq minutes. Elle était ainsi Titine, soupe-au-lait et bonne pâte, un peu comme son frère, enjouée et contente d’un rien, bon public quand les garçons faisaient les pitres.

Une insouciance qui, à y repenser, le faisait sourire, comme si l’on pouvait tout pardonner à l’enfance, ses emportements, ses espiègleries, ses bouderies… Les deux frères étaient experts en espiègleries et en bêtises, et Titine en bouderies, brouilles et paroles définitives. Mais ce n’était entre eux que jeu, joutes de sentiments, tirades ouvertes sur le théâtre du monde ; une façon de se confronter à ce qui serait plus tard une toute autre réalité.   

Eugène souriait encore quand les volets défraîchis de la grande bâtisse, s’ouvrirent en grand, claquant contre le crépi de la façade. Le berceau de la famille Chevessand avait comme on dit subi l’outrage des ans. Après la vente du domaine au lendemain de la dernière guerre, Naine ne savait plus au juste la date de la cession, ou n’avait pas envie de s’en souvenir, à quoi bon raviver tout ça ?, de la fière maison de maître restée inhabitée pendant des années, il ne restait guère que la belle pierre grise patinée par les ans, les grands arêtes de toit aux têtières relevées pour retenir la neige, les pans de châtaigniers  en arcane pour protéger la façade sud de la maison et permettre d’aller dans les appentis et l’étable sans craindre les amoncellements de neige ou les congères pendant les rigoureux hivers qui se prolongeaient parfois jusque début mai.

Après le départ de la famille, les vastes pièces du rez-de-chaussée avaient servi de grange et même d’étable pour la pièce en angle qui fermait la cour. « Si c’est pas malheureux » se lamentait leur mère qui avait emménagé dans l’ancienne maison du garde encore trop grande pour elle, manquant de commodités, impossible à chauffer à la mauvaise saison. « Grandeur et décadence » soupirait-elle, remontée contre son mari qui l’avait laissée dans cette situation  Un ressentiment qui prit peu à peu la forme d’un rejet puisqu’à son dernier souffle, elle refusa d’être enterrée avec lui, sans la même tombe. On peut encore voir au cimetière de Saint-Georges leurs tombes séparées par une rangée. Il n’y aura bientôt plus personne pour connaître le secret de la séparation de ces deux Chevessand, du couple qu’ils formèrent jadis.  

Elle avait embarqué tous les tableaux des ancêtres qui tapissaient maintenant l’interminable couloir et l’escalier qui desservait l’étage.  Galerie de portraits authentiques ou pas, allez savoir avec lui, en tout cas un résumé de l’histoire d’une famille, au départ l’histoire d’un homme sorti de sa condition grâce aux guerres napoléoniennes, reliquat d’un passé tabou auquel elle s’accrochait, dans lequel elle vivait de plus en plus avec l’âge et les désillusions, qui s’étageait et se déversait jusque dans le vestibule.

Elle leur jetait un œil courroucé, comme pour rappeler qu’elle avait toujours « su faire face » -c’était son expression-,  aux événements, à l’adversité, aux aléas de la conduite du domaine,  en fait à tout ce qui ne pliait pas et résistait à sa volonté. Malgré un caractère bien trempé,  elle se raccrochait  de plus en plus à son passé, ne supportant plus d’avoir sous les yeux  cette bâtisse, ce domaine, symboles de la déliquescence familiale.

Ses pas l’avaient porté devant l’entrée de la maison familiale dont il se rappelait plus l’aspect général que tel ou tel détail de la façade. Elle lui paraissait moins grande que dans son souvenir, moins majestueuse sans son parc à la Française dont le grand-père était si fier.   
Après quelques instants d’hésitation, Naine poussa la grille ouvragée de l’entrée dont les gonds grincèrent sous la pression de sa main. Une fenêtre s’ouvrit sur une jeune femme souriante qui le regardait avec étonnement. 

Il se fit connaître, lui parla de son émotion de revoir après tant de temps les lieux de son enfance et elle descendit à sa rencontre. Malgré sa vétusté, le perron conservait quelque chose d’imposant, la pérennité de ses pierres bien équarries faites pour affronter le temps, ce temps qui avait filé entre les doigts de Naine qui, en venant ici, avait pris une espèce de raccourci pour le rattraper et rejoindre sa jeunesse. Faire en sorte quelque part que la boucle soit bouclée pour pouvoir passer à autre chose en se débarrassant des images encombrantes. Il serait bien temps à son âge, maintenant qu’il se retrouvait seul, confronté à lui-même, délesté de tous les soucis de la vie active.

- Ainsi monsieur, vous êtes le fils des anciens propriétaires ?
-  Plus exactement, leur petit-fils, même si mes parents n’y sont guère restés.
-  Je vois que vous admirez mes parterres de fleurs. J’en suis fière. Quand on a emménagé l’année dernière, tout était en friche ici, à l’abandon. Une désolation, c’était à fendre le cœur.
-  J’aime surtout vos roses et le mariage des couleurs, ce mélange de crème, de roses thé qui tranche si bien avec les grenat et les orangés.
-  Vous êtes comme moi, réceptif à la variété des couleurs et aux contrastes de leurs teintes.
-  Déformation professionnelle sans doute. J’ai longtemps travaillé chez des soyeux lyonnais, la reliure surtout puis la peinture sur soie. Je  m’occupais de la décoration, dessins, colorations… tout ceci est bien loin, il en reste encore quelques-uns, une espèce en voie de disparition ? Comme moi.
-  Ah, je vous trouve bien songeur monsieur, malgré cette belle journée.

Naine
tentait d’embrasser le paysage, inspectant les alentours, balayant le jardin d’un regard étonné, comme s’il cherchait des repères, quelque support anodin à raccrocher à un souvenir. Malgré que l’ensemble n’eût guère changé, il ne reconnut pas grand-chose de la vaste maison aux volets repeints, mais il lui semblait aussi curieusement que rien n’avait vraiment changé. Rien qu’une fine couche de vernis sur l’immuable. Impressions, souvenirs et réalité se mélangeaient pour lui laisser un vague sentiment d’infinie tristesse due sans doute à une mémoire évanescente qui n’avait retenu que des bribes de sa vie d’antan alors qu’il aurait voulu tout reconnaître, tout se réapproprier, que le passé fût aussi riche d’avenir qu’il l’avait rêvé dans sa jeunesse.

Il ne faut pas trop demander aux souvenirs.

Son hôtesse improvisée le guida obligeamment dans sa visite, ravie de présenter son acquisition et les aménagements qu’elle avait déjà fait réaliser.
- Ce n’est qu’une première étape, commenta-t-elle, avec mon mari, nous avons d’autres projets mais pour l’instant pas assez d’argent pour les entreprendre. Comme l’on dit : « Paris ne s’est pas fait en un jour, n’est-ce-pas ».

Il acquiesçait par politesse, décrochant parfois de ses explications et de son babillage, l’esprit ailleurs, accroché aux pierres et aux odeurs particulières des vieilles maisons. Il vit tout, mélangea tout, ne retint rien de précis, son film personnel ne correspondait décidément pas aux images qu’il avait sous les yeux. En fait, le couple vivait pour l’instant dans les deux grandes pièces du bas qui donnaient sur la grande façade et la petite terrasse qui dominait le jardin. L’aile gauche du bâtiment était en réfection et le reste carrément à l’abandon. Mais, malgré tout, le domaine peu à peu reprenait vie après des années de léthargie, dans ces montagnes où le temps comptait si peu. Assis sur le long banc en bois brut de la cuisine, il tournait sans un mot sa cuillère dans son café brûlant.

À l’extérieur, décidément, rien n’était plus comme avant. Mais en mieux, en beaucoup mieux constatait Eugène.
N’empêche, la commune avait perdu pas mal d’habitants en quelques dizaines d’années et la remontée s’était avérée plus lente qu’espérée. Des nombreux hameaux qui composent la commune, beaucoup avaient souffert de la répression allemande, mais ces temps-là semblaient maintenant voués à l’histoire.

Saint-Georges s’était tourné vers le tourisme en aménageant ses sentiers et en mettant en valeur son patrimoine. D’abord l’industrie minière puisque pendant quelque sept cent ans, Saint-Georges fut la mine, de cuivre paraît-il puis surtout de fer. On dit que Durandal, la fameuse épée du chevalier Roland fut forgée à Saint-Georges et qu’il en est question dans la Chanson de Roland qui retrace les exploits du brave et valeureux chevalier.  

Eugène avait envie de croire à cette légende, à cette geste carolingienne dont l’éclat rejaillissait sur la commune, l’épée magique étincelant au soleil comme le rayon laser d’un Superman français. Un vaste espace de découverte du Grand Filon accueillait maintenant les touristes sur son esplanade avec des plans indiquant les sentiers de randonnée, la galerie Sainte-Barbe d’où l’on peut  accéder au circuit des Batteries pour découvrir les anciennes fortifications du massif des Hurtières. Depuis la batterie de Rochebrune a été aménagée en refuge et offre une superbe vue pour contempler les massifs de la Lauzière et au loin, de la Chartreuse.

Eugène s’engagea dans le sentier des Mines qu’empruntaient jadis les mineurs pour accéder aux différentes galeries, constellé de vestiges de l'exploitation minière, comme des rails et des wagonnets. Une agréable balade pas trop difficile même si le parcours est parfois assez escarpé.

Le lendemain, toujours curieux de constater les changements, il décida de poursuivre son exploration par le sentier des Bergers qui passe par la commune de Saint-Georges, pour admirer les paysages de la chaîne de Belledonne, pour tenter d’apercevoir au détour d’un fourré, sur un arbre ou un éperon rocheux un bouquetin, une marmotte des Alpes ou une perdrix, un vautour planant à flanc de montagne, photographier en macro un pied-de-loup ou une fleur de gentiane.

Il revint ensuite vers Saint-Georges en passant par Saint-Alban pour fureter dans la plaine des Hurtières et ses zones contrastées, des prairies sèches graveleuses coexistant avec des forêts, des marais ainsi que son vaste plan d’eau. Le patron de "Chez Lulu" avec qui Eugène avait discuté de ses randonnées, lui avait dit : « Puisque tu aimes la photographie, vas donc faire un tour dans la Plaine, il paraît qu’on peut apercevoir deux espèces assez rares… attends, j’ai noté les noms sur mon calepin, oui… le crapaud calamite et l’orchis punaise, c’est leur nom, et si jamais tu parviens à les débusquer, tu pourras faire de super photos !

Ah, renseignement pris, le crapaud calamite serait d’un aspect assez primitif et l’orchis punaise une espèce d’orchidée aux racines à tubercules… Alors, va pour la traque
Malgré son âge et sa grande expérience, il en avait encore des choses à découvrir… et on était si bien par ici !

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< Ch. Broussas • Les deux oncles (2) • Feyzin ° © CJB  ° • 22/07 2016  >
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