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Les Chevessand
28 mai 2018

Un bougnat savoyard, chapitre 11

Une délivrance un peu honteuse (on a gagné !)

« "Enfin… enfin,  quand on songe au temps qu’il leur aura fallu." Léni à Margret – L’approche du Rhin par les Américains apportait au moins une certitude à laquelle tous aspiraient sans pourtant oser y croire : la guerre allait bientôt finir. »
Heinrich Böll, Portrait de groupe avec dame, page 219  

Ce fut pour beaucoup un cri de bête sorti des entrailles, une libération de l’être avant de devenir celle du pays. Une allégresse spontanée prise entre un passé à rejeter, à oublier et un avenir encore flou mais si riche de promesses. Le cri instinctif de l’enfant qui vient de naître, un énorme cri primal. Maintenant, on parlait beaucoup, une parole libérée après quatre ans de silence, de chuchotements, à  écouter Londres en catimini.

On parlait d’avenir bien sûr, une nouvelle vie, une nouvelle France, de nouvelles têtes, façon de mettre sur la touche –ou en tôle pour certains- les têtes connues de ceux qui s’étaient compromis avec le régime de Vichy.  Des têtes qui tombent. Nouveau : le maître mot. Tout devait être nouveau. Rideau : on tourne la page. Catharsis pour un nouveau départ. « Si ça continue, on aura de nouveaux cons, aussi cons que les anciens » raillait Francis qui aiguisait ainsi son ironie.

Dans le quartier, ce fut différent. Une autre chanson. Pour Germaine et Francis, le changement ne crevait pas vraiment les yeux. La Libération, ce fut  ces fameuses tractions avant qui déboulèrent dans le quartier à coups de klaxon, de cris, de coups de freins, avec des drapeaux tricolores de fortune, hissés à travers des portières aux fenêtres ouvertes et, barbouillées en blanc sur les côtés, les lettres FFI. Heureux, fiers de leur pouvoir tout neuf,  ils paradaient comme des gosses. « Lyon est libéré, on est libres désormais, on a enfin réussi à libérer la capitale de la Résistance ! » hurlaient leurs occupants en s’arrêtant à chaque coin de rue, devant chaque commerce, tirant parfois des coups de feu en l’air ou entonnant une Marseillaise hésitante. Autre maître-mot mis à la mode par Paul Éluard : Liberté. « Bien au-dessus du silence, j’écris ton nom LIBERTÉ. »
Ça faisait toujours bien dans les discours.

               La libération de Lyon

Des attroupements se formaient rapidement pour commenter "la divine surprise" si longtemps attendue. Certains goûtaient simplement la joie du départ de l’Occupant, applaudissant à la bonne nouvelle, d’autres ne disaient rien, restaient pensifs, sidérés par l’accélération des événements. On pensait aussi aux absents, avec des sentiments mélangés de soulagement et de culpabilité d’être là, d’être vivants, de s’en être sortis indemnes. On pensait à ces jeunes résistants partis à la fleur de l’âge, trop naïfs, pas assez méfiants pour survivre à ces combats d’ombre et de dupes. On pensait aussi à ceux dont on n’avait pas de nouvelles, à César par exemple, ce marseillais qui habitait sur l’avenue Félix Faure, prisonnier depuis bientôt quatre ans à Königsberg en Prusse orientale. Par l’Association des prisonniers de guerre, on avait eu quelques nouvelles, peu rassurantes : Königsberg avait été violemment bombardée en août 1944 puis dès la fin de l’année, la ville se trouva sur la ligne de front avant d’être prise par les Russes début avril 1945. Peu pensaient revoir César vivant mais il revint pourtant, rapatrié par la Croix-Rougepresque un an plus tard en  août 1946.

Beaucoup d’ombres dans cette lumière de fin d’été qui baignait la Libération, celles des disparus, de ceux qu’on attendait avec un espoir insensé, de ceux qu’on n’attendait plus… Et puis ce chassé-croisé entre ceux qui avaient fui Vichy et rentraient maintenant, qui s’étaient faufilé en Espagne pour rejoindre Londres et ceux qui avaient peur et fuyaient en Suisse, en Espagne ou beaucoup plus loin pour échapper à la justice des  vainqueurs. La peur avait changé de camp.

Mais dans le quartier, on pensait surtout aux incertitudes des lendemains. 

- Mon dieu, qu’est-ce qu’on va devenir maintenant, tout s’effondre, plus de gouvernement, plus d’autorité, oh on va vers l’anarchie, oui l’anarchie je vous dis, se lamentait la concierge, le moral encore au plus bas.
- Heureusement que les américains sont là…
- Les Américains, comme tu dis Louis, ils n’sont pas là pour nos beaux yeux !
- Et ils ne sont pas là pour longtemps… juste de passage pour aller en découdre avec les russes.
- Allez savoir ce qu’ils ont derrière la tête !
- Au moins à l’ouest, pendant ce temps, on sera tranquilles.
- Oh, Avec nos zigotos de Résistants et leur air bravache, on n’est pas mieux lotis !

Le pays à peine libéré, les divisions apparaissaient déjà en filigrane, les fractures d’avant-guerre prêtes à refaire surface. Évanoui le beau rêve de l’Union sacrée, brouillé le beau projet du Conseil National de la Résistance.

Les commentaires allaient ainsi bon train mais une chose était sûre : personne parmi le bon peuple qui avait prié pour que Pétain soit la solution miracle, personne ne savait plus à quel saint se vouer. Peut-être que ce de Gaulle, cette voix londonienne arrivée dans les fourgons des anglo-saxons…

Aux premiers coups de klaxon, Germaine et Francis déboulèrent dans la rue, inquiets de ce vacarme inédit. Ces chambardements annoncés ne leur disaient rien de bon. Et ces hommes débraillés aux allures de collégiens pas davantage. Ils savaient bien que tous ces chambardements ne favorisaient pas le commerce. Eux  aspiraient d’abord à la stabilité et pour le moment, on en était loin.

- De toute façon, inutile de s’affoler, disait Germaine à qui voulait l’entendre. On verra bien. Le temps est notre allié, n’est-ce pas.
- Vous avez raison madame Menier, lui répondait Paul Suchaud, le fumiste installé dans l’impasse d’à côté, l’avenir nous appartient. Maintenant, on se sent bien plus libres n’est-ce pas, plus de laisser-passer, bientôt plus de cartes d’alimentation et de files devant les magasins.  Les affaires vont reprendre, vous verrez !
- Oh, la situation ne pourra pas être pire que ce qu’on a connu ces dernières années. Regardez où en est le pays actuellement, remarqua le garagiste de la rue du Dauphiné, qui aimait bien élever le débat.

Le ton était donné. Germaine avait pris en mains les rênes de la conversation et ne les lâcherait plus. Sa façon à elle d’exercer son pouvoir dans son petit univers. Libération ou non.

 Francis voyait les choses autrement et se fichait des jeux de pouvoir. Trop personnel pour ça. Eugène lui disait parfois qu’il était plus anarchiste que lui, ce qui avait le don de l’énerver encore plus.
Dans le fond, il devait bien l’admettre, toute cette agitation le réjouissait plutôt.

Il revint au bar tout excité de la tournure des événements. On allait encore brasser les cartes et cette fois il espérait bien en profiter. De toute façon, Pétain avait fait son temps et avec toutes les restrictions, le métier de charbonnier devenait impossible ; alors, le changement…

- Oh, oh, après toutes ces années lugubres, quelle ambiance, quelle ambiance mes amis, s’amusait-il en se frottant les mains.
Être aussi euphorique et de bonne humeur n’était pas vraiment dans ses habitudes, ce qui inquiétait Germaine.

- Te voilà bien excité, presque autant que ces énergumènes qui gesticulent et tirent des coups de feu de partout. Ah, c’est plus facile de les tirer en l’air que de tirer sur les boches.

- Ola, ola, tu ne vas pas remuer tout ça. Fais comme tout le monde, tourne la page ! Les états d’âme, c’est mauvais pour le commerce. C’est bien le genre de formule que tu affectionnes, non ?
- Oui, ben tu ferais mieux de te préoccuper de nous. Que va-t-on devenir dans ce pays où tout est bouleversé.
- Mais non, mais non, répondit Francis que sa frayeur face à l’inconnu amusait plutôt, tout semble changer, c’est sûr, mais dans le fond, rien ne va changer. Ça a toujours été ainsi en France. Les hommes continueront d’être des hommes et les Français se comporteront toujours et encore comme des Français, c’est-à-dire comme des gens qui ne font pas forcément ce qu’ils disent. C’est parait-il ce qui fait leur charme.

- … Et ne disent pas forcément ce qu’ils pensent. Ouais, je sais, il faut bien donner des gages, compléta Germaine qui connaissait bien son homme et qui dans le fond, savait qu’il avait raison.

- Tu vois, quand tu veux…
- Oh toi, un jour c’est tout rose et le jour suivant rien ne va plus.
- Pourquoi ramener tout ça à ma petite personne ? Il n’est pas question de moi mais des gens, qui ne veulent pas oublier comme je l’entends dire souvent, qui voudraient pouvoir effacer toutes ces années funestes, refermer la parenthèse calamiteuse et infamante de la guerre.

Paul Suchaud, que leur joute amusait, s’en mêla et revint à la charge.

- Il faut être optimiste, monsieur Menier, sous l’effet des événements, les gens évoluent parfois, ne voient plus les choses de la même façon. La jeunesse n’a pas nos préventions et elle sera bientôt au pouvoir.

- Ah, lui rétorqua Francis, ceux de ma génération se sont déconsidérés, trop  mouillés avec Vichy, trop attentistes. Ils sont hors jeu. Pour l’instant…

- Bien sûr ajouta Germaine, qui ne perdait jamais l’occasion de se mettre en avant,  nous on a agi à notre niveau, on a planqué tout le charbon qu’on a pu pour saboter l’effort de guerre des Allemands, on n’a jamais accepté la collaboration économique. Maintenant, il faut bien faire le ménage !

- Bon, bon, la coupa son mari qui n’aimait pas la tournure qu’elle donnait à cet échange, notre propre cas n’intéresse personne, et Paul a raison, ceux qui ont eu foi en la victoire quand personne n’y croyait, ont sans doute aussi foi en l’avenir.

- Oh que oui monsieur Menier, après ce qu’on a vécu, on a bien besoin de croire que les choses vont s’améliorer.

Francis, tout sanguin qu’il fut,  savait aussi écouter son monde, les clients du bistrot, ceux qu’ils livraient chaque jour, ce petit peuple dont il était issu qui avait le plus souffert de la guerre et de l’Occupation, si conventionnel, si prévisible finalement. N’en déplaise à Paul Suchaud, il se disait que rien ne changeait vraiment dans le cœur des hommes, que c’était ainsi et qu’il fallait s’en accommoder. Eugène son fou de frère, croyait au progrès, que les hommes pouvaient s’amender et être gouverné par la Raison. Mais le culte de la déesse raison, cet Être suprême laïc, même  s’il figure dans le préambule de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avait fait long feu et la Convention allait rapidement glisser vers la terreur. A la Libération aussi, les passions se rallument et font vaciller la Raison dont tout le monde se réclame.
 « Comme toujours » pensait Francis en soupirant.

Pour le cousin Marcel, La Libération fut une épreuve. Il avait maintenant des états d’âme, l’impression d’avoir gâché par lâcheté, peur de s’engager dans un conflit qui ne le concernait pas (ainsi pensait-il alors). C’est ainsi qu’il avait confié à Francis : « J’ai l’impression d’être passé à côté de l’histoire, à côté de ce « drôle de jeu » qui s’est déroulé entre l’Occupant et la Résistance, pas seulement un règlement de comptes entre Français. Oui, j’ai l’impression d’avoir raté quelque chose d’essentiel, un simple spectateur des événements, passif et centré sur la survie. »

Lui si ouvert, si serviable, restait maintenant muet pendant des heures, vissé sur sa chaise, même quand Francis lui tapait amicalement sur l’épaule et lui reversait un verre de vin. « Allez Marcel, bois donc un petit coup avec moi, trinquons à notre avenir, ça te remettra les idées en place. » Il passait souvent les voir, encore plus souvent que pendant la guerre, mais leur sollicitude n’y faisait rien. « Il nous fait une dépression je te dis, disait Germaine à son mari en haussant les épaules, tu n’as pas une once de psychologie mon pauvre Francis. » Elle repartait au bar en grognant sur les hommes qui ne comprenaient rien à rien.

Le bistrot avait bien changé. Finis les disputes entre l’ancien militaire Louis Leprince qui après bien des hésitations avait fini par rejoindre la Résistance et Honoré Groussard, l’ancien caporal blessé à Verdun par des éclats de Shrapnels puis gazé en 17, qui depuis vomissait la guerre et milita avec Aristide Briand pour la paix. Il figura même dans la délégation qui représenta la France pour la signature du traité de Locarno. Aussi, les discussions avaient-elles été fort animées, Germaine ayant malgré son autorité, parfois quelque mal à y mettre bon ordre. Surtout quand l’anarchiste espagnol Pablo Sanchez  s’en mêlait et que Marcel, qui au fond se fichait de la polémique,  jetait de l’huile sur le feu.

Depuis, l’ambiance avait bien changé. Fini les beloteurs passant des heures en parties acharnées devant leur verre de vin ou leur demi de bière, fini les ouvriers de la MECAD et de l’Atelier de confection du Dauphiné qui buvaient vite fait le petit noir du matin ou passaient prendre l’apéro. La MECAD faisait profil bas depuis quelle était accusée de collaboration économique et qu’elle avait perdu les marchés liés à la construction du mur de l’atlantique.

Malgré quelques nouveaux, les rangs s’étaient clairsemés. Tandis que Gaston Joubert  plastronnait à la mairie, d’autres avaient disparus dans la tourmente. On n’en parlait pas mais on y pensait bien sûr, se disant que l’avant-guerre ne reviendrait pas, qu’il faudrait bien se faire à cette idée. Des Résistants, il en restait peu, Pablo Sanchez et Salvatore Mazzini morts dans le Maquis, les enseignants Philippe et Martine Deltail dénoncés à la Gestapo et déportés à Buchenwald… D’un autre côté, les "beloteurs" Louis Leprince l’ex maurassien et André Ferrandon l’ex Croix-de-feu disparurent dans les règlements de comptes qui accompagnèrent la Libération et Grace et Maguy, les deux homos de la rue Francesco Ferrer, dénoncées et arrêtées,  s’évanouirent dans les limbes de Matahausen. Quant à la belle Séverine qui aimait se faire appeler Lizzie, elle s’en tira finalement, tondue et baladée dans les rues du quartier puis condamnée  à la prison avec sursis.
Triste bilan démographique.  « On s’en est quand même bien tirés » soupirait Germaine en essayant ses verres.

En ce début de juin 1945, le spectacle fut permanent. On n’en finissait pas de fêter la Libération et les héros de la Résistance. Tout le quartier se rua dans la Presqu’île pour admirer le formidable défilé, brouillon et bruyant, et sceller la réconciliation entre Français.  La plupart d’entre eux étaient morts dans les camps, torturés, fusillés, exécutés e les survivants d’autant plus précieux qu’ils étaient rares. Marcel avait bien raison : une immense majorité spectatrice, suivant une mise en scène qui les dépassait,  les épisodes d’une série à travers des péripéties qu’ils tentaient de décrypter dans les mensonges des médias, qu’ils avaient attendus avec avidité en captant la BBC.  
Une histoire trop grande pour eux.

Spectacle fugace parfois quand un type de la préfecture ou d’une officine vichyste se faisait embarquer sans ménagement dans une traction qui redémarrait en trombe dans l’indifférence générale. Nouveau spectacle et nouvelle mise en scène, souvent grotesque, de ces femmes huées, vilipendées, poussées, chahutées, défilant dans les rues sous les invectives, juchées parfois sur des chars pour mieux dénoncer leur indignité, comme un sceau de honte et de déshonneur, livrées  à la vindicte populaire.
Les tondues perdaient leur dignité dans ce cérémonial, comme Samson avait perdu sa force.  Elles prenaient parfois au passage un coup, une gifle, un crachat vengeur qu’elles remarquaient à peine, les yeux cernés, perdus au loin.

Dans leurs regards sans vie, dans leurs corps ballotés et tremblotants, la peur dominait. La foule pouvait se défouler sur ces femmes qu’on présentait comme symbole de la collaboration pour exsuder les toxines de l’Occupation, les privations, les queues interminables, cette ambiance glauque d’une vie grisaille et morne, mêlée de remords et de ressentiments, les petits plaisirs comme un luxe inouï, la dictature de l’arbitraire, l’appréhension des réquisitions puis du STO et par-dessus tout la frustration, le sentiment d’humiliation
de vaincus qui refusent d’en payer le prix. Avec un énorme soupir de soulagement dans ces commémorations vécues comme autant de défoulements.
Eugène, qui l’avait crûment dit à son frère, ne mâchait pas ses mots, et pas seulement en ironisant sur "les résistants de la dernière heure".

Dans cette foule bigarrée et si expansive, Germaine pour une foisresta muette, l’air butté, suivant le cortège plus par curiosité que par engouement (et puis ne valait-il pas mieux "en être" ?), qui se dirigeait vers la place des Maisons-Neuves. Pour Francis, c’était plus simple : « La guerre comme toute période troublée, c’est comme ça, il faut choisir son camp. » Lui qui n’avait rien choisi du tout. Il « s’était adapté » comme il aimait aussi à dire en se gonflant, ce qui faisait sourire Eugène qui louait « son exceptionnelle faculté d’adaptation. » Francis haussait les épaules sans répondre, recevant le compliment de son frère comme une flèche plantée dans sa bonne conscience.
Germaine, agitée de sentiments contradictoires, dédaigna de répondre.

Ni la guerre, ni la Libération n’avaient rapproché les deux frères. Au contraire, ils avaient emprunté des chemins fort différents et même si rien n’était clairement exprimé, Eugène constatait, amer, que les bouleversements qu’ils avaient vécu depuis plus de cinq ans n’avaient rien changé à sa mentalité et Francis pensait que son frère était toujours aussi indécrottable, accroché à des principes inutiles qui étaient comme un luxe superflu.

 

<<< Ch. Broussas • Un bougnat Savoyard Chap 11 • ° © CJB  ° • 05/2018  >>>

 

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