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Les Chevessand
21 novembre 2022

9- L'impossible amitié Acte IX Au Panthéon

L'impossible amitié Acte IX - Dernier acte – Les fantômes du Panthéon

  
Rousseau Monument Panthéon          Voltaire au Panthéon

Scène 1 : Jean-Jacques – Rejoint Voltaire au panthéon
Scène 2 : Voltaire – Reconnaît JJ à ses côtés
Scène 3 : Jean-Jacques – Le corps d Voltaire
Scène 4 : Voltaire – Le tombeau de Jean-Jacques
Scène 5 : Jean-Jacques – Voltaire – Avec Goethe

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Dernier acte –Voltaire et Rousseau au Panthéon.
Ils passent et repassent enveloppés dans une toge qui leur descend aux pieds.
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[Scène 1 - Jean-Jacques]
Que de tombeaux en ce lieu si silencieux. À l’issue de ma vie, suis-je parvenu en enfer ou au paradis ? Oh, mais que vois-je passer devant mes yeux incrédules ? N’est-ce point le fantôme de ce Môsieur de Voltaire qui m’a tant tarabusté de mon vivant. Si mes yeux ne me trompent, alors nous sommes en enfer, sauf qu’il n’y fait guère chaud. Mes pauvres os ont tendance à s’entrechoquer sous ce linge léger. C’est curieux, il a la même apparence que la statue de Pigalle dont je me suis tant  gaussé. Déjà, figé dans le marbre, il avait l’air d’un tas d’os. [rires] Aussi, on n’a pas idée… Ah, ah, ah, je n’avais pas manqué de glisser quelques malheureux francs dans la sébile de la souscription et je ne vous dis le tohu-bohu que j’ai produit... [rires de nouveau]

Pauvre de moi, on tombeau se trouve juste en face du sien. Une confrontationtoujours renouvelée entre Voltaire et Rousseau. Du grand spectacle. Dommage qu’il n’y ait plus personne de nos connaissances pour assister à nos joutes. Nous mettre l’un en face de l’autre, ces révolutionnaires n’ont aucun tact… à moins que ce soit une volonté ironique de l’Histoire d’avoir fomenté ce face à face éternel. En tout cas pour ce qui me concerne, je reconnais bien celle de mon disciple Maximilien Robespierre. Quel excellent homme, lui qui s’est échiné jour et nuit à sauver son pays, et pris aussi le temps de se soucier de moi et de faire transférer mes mânes au Panthéon. Mon seul regret, vous le connaissez : si on choisit ses amis, a-t-on le choix de ses ennemis ?

 [Scène 2 - Voltaire]
- Oh mon Dieu, mais quelle est donc cette silhouette qui se profile, face à mon tombeau ? Ah mais, on me l’a collé juste en face de moi ce foutre de Jean-Jacques, sans me demander mon avis. Décidément, ce lieu n’est pas fréquentable, quelle promiscuité ! Décidément, on n’est jamais tranquille, ni en enfer ni au paradis. Ainsi, il est parvenu à me rejoindre –ah parvenu, le mot est juste- dans ce lieu solennel à force de manœuvres douteuses je suppose. Maintenant que son Robespierre gouverne, c’était prévisible. Il va encore partout claironner que je suis l’affidé des Girondins, un Danton avide de gloire et d’argent.

Sacrebleu, j’étais là le premier et depuis quelque trois ans déjà. Je vais immédiatement  procéder à une réclamation, faire valoir mon droit d’ancienneté et même mon droit d’aînesse puisque je suis né bien avant lui, le foutriquet de Genève qui s’est ingénié à me gâcher mon plaisir, même si nous sommes morts la même année.

[Scène 3 – Jean-Jacques]
Son tombeau est plutôt mignon ave les deux anges de chaque côté. [il se penche pour mieux voir] Au milieu, ils ont indiqué des fois qu’on ne le sache pas «  poète, historien, philosophe », rien que ça. Une vie résumée en trois mots. Bon résumé. Tiens, je croyais qu’il était avant tout dramaturge à succès ; il s’en vantait assez. Que lis-je ensuite, attendez que je m’approche encore. Sans doute un message à l’attention de l’humanité : « Il agrandit l’esprit humain et lui apprit qu’il devait être libre. » Il faudrait d’abord qu’elles soient bien pleines  ces têtes avant de penser à les agrandir. Et la liberté bien sûr, c‘était son fond de commerce et il l’a usé jusqu’à la corde.
Mince panégyrique. [soupirs] On est bien peu de chose.

D’autant plus –je ne peux m’empêcher, et j’en suis marri, de m’en gausser- qu’on m’en a raconté de belles sur les tribulations de sa dépouille. Figurez-vous que son ami le marquis de Villette a récupéré son cœur puis son embaumeur son cerveau, qu’il a longtemps exposé dans sa boutique [il fait la grimace] et cerise sur le gâteau –si j’ose dire- on lui a volé une dent et un pied pendant son transfert à l’abbaye de Scellières !
Je ne gloserai pas davantage sur ce démembrement qui a fait beaucoup rire ici. [] Il s’en va d’un air réjoui en faisant un signe de la main]

[Scène 4 - Voltaire]
Sacré Rousseau, il peut toujours chercher à herboriser ici parmi les tombeaux de nos pairs, il n’y trouvera pas le moindre brin d’herbe à se mettre sous la dent, aucun parc pour s’adonner à ses rêveries solitaires. En fait de Nature, il ne trouvera ici qu’une majestueuse construction faite de chaux et de pierres, symbole du génie des hommes où la Nature n’a aucune place.

[Il s’approche pour voir de plus près le tombeau de Jean-Jacques]
Qu’est-ce qui est gravé dans le marbre : On dirait une main tenant une torche qui, me semble-il, jaillit du sarcophage. Quel symbolisme mes aïeux ! Ils auraient au moins pu mettre une plume au bout de la main.
[Il se rapproche encore pour pouvoir lire l’inscription]

Et qu’ont-ils bien pu inscrire comme ânerie : « Ici repose l’homme de la nature et de la vérité. » La belle épitaphe en vérité, qui me laisse sans voix. Ah, l’homme de la nature, il nous en aura rebattu les oreilles de ses petites fleurs. Cette nature qu’il ne connaît pas, il n’avait qu’à venir voir à Fernay comment mes paysans se battaient avec elle chaque jour pour en tirer leur subsistance et pouvoir nourrir tous ceux de la noblesse et du clergé qui vivent sur leur dos.
Quelle formule dérisoire ont trouvé ses thuriféraires ! Quelle manie ont les hommes de chercher un modèle et de se flagorner pour se rehausser. Ils sont vraiment incorrigibles. Mais bien sûr, rousseauisme oblige, c’est la faute de la société ! Et bien sûr, la faute à Voltaire. Il faut bien un bouc-émissaire !

[Scène 5 – Jean-Jacques – Voltaire]
[Jean-Jacques]
- Ainsi l’impossible rencontre n’aura pas lieu même ici en catimini. Pour se dire quoi ? Tout n’a-t-il pas été dit dans nos échanges épistolaires, dans nos écrits croisés, que ce soit dans son Candide, dans mes Confessions ou d’autres textes ? Je ne rajouterai aucun écrit superfétatoire, aucune diatribe posthume.
Je préfère discuter avec un homonyme que j’ai connu plus tard,  un dénommé Jean Rousseau, un homme très intéressant qui a traversé la Révolution et l’Empire me raconte
 
Voyez-vous (dit-il dans un soupir d’aise), je suis enfin en paix. J’ai en quelque sorte remporté une grande bataille posthume quand on m’a rapporté en ce lieu solennel, devant mon tombeau, cette pensée de Monsieur Goethe en personne, grand auteur allemand s’il en est : « Avec Voltaire, c’est un monde qui finit. Avec Rousseau, c’est un monde qui commence. » 
Tout est dit.

[Voltaire]
- Ah, victoire éphémère. Je n’ai pas dit mon dernier mot !

                    
« Il agrandit l’esprit humain » « La philosophie entre la nature et la vérité »

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<<< Ch. Broussas, IA Acte IX 21/11/2022 © • cjb • © >>>
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