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Les Chevessand
20 novembre 2022

5- L'impossible amitié Acte V - Candide

L'impossible amitié Acte V - A propos de Candide

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Acte V – Scène unique - Voltaire et Candide
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[Voltaire est habillé en jardinier, tablier, bottines et arrosoir en mains, l’air satisfait.]

Eh oui, c’est bien moi, non sous les traits du docteur Ralph, mon pseudonyme, c’est bien moi déguisé en Candide. Et oui, je cultive mon jardin. [Il arrose ses fleurs]  

J’aimerais comme lui, avoir « le jugement assez droit, avec l'esprit le plus simple. Sacré Candide, mon double quelque part, je lui ai tricoté bien des malheurs à ce pauvre naïf, car par certains côtés, il est resté assez ingénu finalement, incapable d’imaginer les turpitudes des hommes, tous les raffinements sadiques qu’ils sont capables d’imaginer, l’indifférence terrible d’une nature inflexible, insensible aux  malheurs des pauvres créatures humaines qui souvent se débattent pour survivre.

Ah, fatalité, fatalité, quand tu nous tiens. [dit-il en écartant les bras] Le Mal existe paraît-il, ah que voilà une belle découverte. Et pire, il serait compensé en mieux, transformé en un Bien très supérieur. Rien n’arrive par hasard dans ce bas monde [levant les bras, les yeux au ciel] Il n’y a pas de fumée sans feu, ni de conséquence sans cause. Voilà que tout est bien dans le meilleur des mondes possibles. Ce sacré Leibniz était d’un optimisme à toute épreuve. Et mon Émilie qui en pinçait pour ce type !

L’homme est une sale bête mais la nature est pire, n’en déplaise à ce pauvre Jean-Jacques, béat devant un brin d’herbe. Et cet homme, j’en suis persuadé, est perfectible. Ça vous en bouche un coin, hein. Comment imaginer que l’homme puisse régresser alors que tout nous démontre dans l’évolution de l’humanité que l’homme a constamment amélioré sa condition. Alors, alors [il tourne en rond en s’énervant] la conclusion est claire : l’homme navigue comme il peut entre le Bien et le Mal. Et rien n’est simple sur ce chemin plein de pièges !

Deux événements récents m’ont marqué : le tremblement de terre de Lisbonne qui a tout dévasté, tué tant de gens pour rien et l’année suivante le début de ce qui deviendra la guerre de Sept ans, qui m’a inspiré cette réflexion dans mon Essai sur les mœurs et l'esprit des nations : « Presque toute l’histoire est une suite d’atrocités inutiles. » Et ce foutu Jean-Jacques qui me répond en me parlant de la "divine providence". Quelle  foutaise !

Ah, Candide est ma réponse à tous ces esprits étroits, ces nobles pleins de morgue qui ont réussi à faire interdire L’Encyclopédie : je  ferai comme ces satanés curés, je vais porter la bonne parole à travers l’Europe, envoyer dans le ciel des milliers de livres qui redescendront en fertilisant la terre de ma prose.  Eh, eh, j’imagine déjà le tollé, la bombe qui va leur sauter au visage. (rires)

Mon histoire commence par une histoire de femme. Eh oui, ce n’est pas très original je sais, mais je ne peux pas toujours être génial. C’est très fatigant d’être constamment génial, croyez-moi. Je l’ai envoyé se frotter à tous les lieux de la terre : l’Allemagne au nord, Venise au sud, Constantinople à l’est et même le Pérou à l’ouest.
Pour se coltiner à toutes les épreuves que je lui ai concocté à l’horizon de tous les points cardinaux de notre monde.

La femme, déclencheur de tout, c’est Cunégonde, d’autant plus belle qu’elle sera laide en son vieil âge. Ce foutu candide, pour lui mettre du plomb dans la tête, pour lui faire prendre conscience, je me suis arrangé pour qu’il lui arrive les pires avanies. Son périple autour du monde ne sera que suite de catastrophes, de calamités pour bien lui faire sentir ce qu’est la vie, ce qu’on peut en attendre, ni plus ni moins, la puissance des éléments et l’impuissance des hommes, leurs terribles penchants à s’entretuer, leur vanité à vouloir tout dominer. Lui faire entrer ça dans la tête de gré ou de force, oui de gré ou de force.
[Pendant tout ce temps, Voltaire se donne des coups de poêle sur la tête comme s’il était Candide]
Oui, oui, voilà comme ceci, aie, aie, bien enfoncé dans le crane jusqu’à ce qu’il en prenne conscience, ouille, ouille.

J’ai fait de Pangloss, le bon précepteur de Cunégonde, qui est aussi celui de Candide, professeur polymathe de métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie (bigre, ce n’est pas rien, n’est-ce pas) un homme plein d’innocence, si bon qu’il en est même touchant. (Vous ne trouvez pas ?) À travers lui, je me moque quelque peu de la science, où plutôt de certains de ses aspects, ce qui je suppose a fort plus à cet animal naturel de Jean-Jacques qui a une dent longue contre la science et les arts. Allez savoir pourquoi !
 
Rien à voir avec Martin, son opposé, grincheux, qui professe que beaucoup  d’hommes ne vivent guère mieux que des animaux et ne cherchent qu’à éviter le malheur plutôt que d’aspirer au bonheur. Voilà bien deux visions antinomiques qui heurtent Candide qui cherche lui aussi sa voie entre tous ces écueils. Quant à moi, je vais faire comme Candide, je m’en vais de ce pas cultiver mon jardin. Vous venez avec moi ?

[Voltaire est assis, rêveur, morose]
Finalement, qu’est-ce qu’on peut s’ennuyer à cultiver son jardin ! C’est toujours pareil, on bêche, on plante, on récolte… et on recommence. À la longue, saisons après saison, je vous jure que c’est lassant.  On récolte, on récolte quand tout va bien et croyez-moi, ça ne va jamais bien. Il y a toujours un empêcheur de tourner en rond, la pluie jamais là quand il faut, le soleil brille à vous fiche une insolation, grille tout. Et ces bestioles qui vous mangent la laine sur le dos. Voyez donc tous ces insectes qui se régalent de mon labeur… et ces guêpes qui m’agressent ! [il fait de grands gestes pur s’en débarrasser]

Vous avez vu mes poules. Elles sont belles, hein. La petite rousse, celle qui se cache dans les plants de patates, eh bien c’est elle qui pond les œufs les plus gros. Incroyable n’est-ce pas ! Je leur donne tous les rebus, légumes passés, fanes de salades…  Elles trient et mangent presque tout. Et attention, pour fumer mes cultures, je n’utilise que mon engrais et le crottin de mes chevaux. Et ainsi la bouche est bouclée. [avec un air réjoui]

C’est notre inénarrable Jean-Jacques, chantre de la nature, qui serait content de contempler mon œuvre, lui qui s’agenouille devant un brin d’herbe. Tiens, il faudra que je l’invite pour qu’il en prenne de la graine. Ah, ah, de la graine ! [rires] Et puis non. À la réflexion, ce grincheux serait encore capable d’y trouver à redire, d’ergoter, de trouver que je force la nature, que mes pratiques aratoires n’ont rien de naturel, et bla bla, et bla bla… Rien que d’y penser, j’en ai des maux de tête.

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<<< Ch. Broussas, IA Acte V 20/11/2022 © • cjb • © >>>
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