Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Chevessand
20 novembre 2022

4- L'impossible amitié Acte IV

L'impossible amitié Acte IV Le malentendu

    D'Alembert           

Scène 1 - Jean-Jacques - Discours sciences & arts -- Scène 2 D’Alembert, Sur le discours
Scène 3 – Jean-Jacques, réaction -- Scène 4 JJ + D’Alembert, Mise en garde

---------------------------------------
Acte IV – Scène 1 -- Jean-Jacques (aux anges)
---------------------------------------
Oh mes amis, quel pavé dans la mare ! Paf, tous en furent aspergés, crottés leurs beaux costumes, leurs beaux atours jusqu’en haut des chausses. Quels remous dans le landerneau parisien. Pourtant, je vous l’assure, je n’avais rien fait pour que je sois encensé comme je ne l’avais jamais été et ne le serai jamais plus.

Depuis la parution de mon Discours sur les sciences et les arts, c’est la furie, Paris est en effervescence autour de mes écrits. Certes, vous me connaissez, je n’ai pas voulu ça et je ne m’y attendais nullement mais… comment dire… j’ai été emporté dans ce tourbillon sans pouvoir m’en défaire. Voilà l’attraction du microcosme parisien, il vous propulse au zénith, vous porte aux nues, quitte à vous renvoyer au ruisseau quelques temps après. Le succès, les honneurs, que tout ceci est fugace et enivrant à la fois. Beaucoup de bruit pour peu de chose en vérité. J’en suis conscient. Les hommes s’en gargarisent et c’est fort navrant. Ma nature profonde m’en a toujours préservé et c’est très bien ainsi. 

Oh, je fus reçu avec munificence comme un nouveau messie. Les portes du grand monde s’ouvrirent comme par miracle, je fus réclamé avec instance, reçu avec des transports qu’il me semblait ne pas mériter, avec une ferveur qui me parut factice, trop marquée pour être vraie, venir du plus profond du cœur. Mais c’est la rançon de la gloire, savoir jouer les importants sans se prendre au sérieux, avoir assez de lucidité pour prendre du recul et ne pas se laisser griser, se laisser prendre aux mirages des feux de la rampe.

Me croiriez-vous si je vous dis que j’ai pris conscience dans ces moments d’exaltation qu’il me fallait faire un retour sur moi-même et vivre la vie que je veux vraiment vivre, celle qui me convient. [rires] Je vois déjà les têtes effarées des Levasseur, incrédules face à ma détermination de changer de vie. Pas de ma chère Thérèse, non, elle m’accompagnerait n’importe où mais de sa mère surtout qui ne me le pardonnera jamais. [rires de nouveau] Oh, je le ferais rien que pour voir sa tête à cette vieille rapiat. Toujours à quémander, à me tirer mes derniers sous pour nourrir sa nombreuse famille qui vit à mes crochets.  Ah, la, la. [soupirs de tristesse]

--------------------------------------
Acte IV – Scène 2 - Jean Le Rond d’Alembert
--------------------------------------
Pour moi, ma religion est faite : Avec ce brûlot nommé Discours sur les sciences et les arts, Jean-Jacques s’est dissocié de notre mouvement. Je veux veiller, même si on me reproche parfois mon rigorisme, à l’unité de notre mouvement car face aux attaques dont nous sommes trop souvent la cible, nous devons nous serrer les coudes et faire en sorte de rester unis. Voyez la teneur de mon propos dans le fascicule rédigé pour l’Encyclopédie qu’il fallait d’ores et déjà rejeter les thèses « qu’un écrivain éloquent et philosophes a lancé depuis peu contre les sciences et les arts en les accusant de corrompre les mœurs. » Je n’ai cité aucun nom mais le message me paraît clair.

Voilà où nous en sommes.

C’est le cœur lourd que ces mots furent tracés. Jean-Jacques  avait été jusque là un collaborateur zélé de l’Encyclopédie, en particulier dans le domaine musical où il excelle. [Dans un soupir] Enfin, tout n’est peut-être pas perdu s’il revient à de meilleurs sentiments ou si son attitude actuelle n’est qu’une posture. Pourquoi pas.
On peut toujours espérer et rester optimistes. Nous avons déjà tant levé d’obstacles, nous avons douté tant de fois, connu tant de moments difficiles que nous sommes immunisés contre l’adversité.
« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, » comme dit mon ami Voltaire.

------------------------------
Acte IV – Scène 3 - Jean-Jacques –
------------------------------
1751 fut vraiment un bon cru pour moi. Mais je l’ai déjà précisé, je ne suis point dupe de tous ce charivari autour de moi et j’ai résolu de mettre fin à cette ambiguïté. Oui, je le proclame, j’exècre, le luxe et les honneurs bien sûr, mais aussi le pouvoir et l’argent.
[Écartant les bras] Je ne peux pas dire mieux.

C’est mon credo, ma bible. Et j’essaie de plus en plus d’y conformer ma vie. Rien de plus difficile. C’est un combat de chaque jour comme s’arrêter de boire ou de fumer. Avec en plus du combat contre soi-même, la lutte contre un entourage qui refuse d’évoluer. Thérèse n’était pas chaude pour modifier ses habitudes et sa mère… n’en parlons pas. Elle m’a valu beaucoup de déboires par les coups perfides qu’elle m’a assénés.

Si je n’ai pu me résoudre à me séparer de mes belles chemises, j’ai vendu ma superbe montre vénitienne et j’ai décidé, la mort dans l’âme,  de quitter ma chère Louise Dupin qui n’y a certes rien compris mais qui, j’en suis sûr, est prête à me pardonner ma folie et me garder toute son amitié.
Je suis invité partout, dans tous les salons à la mode où on me tresse des lauriers.
Quel plaisir, quelle jubilation de voir la tête de faux-jeton de certains me faire des risettes et des courbettes.

------------------------------------------
Acte IV – Scène 4 -  Jean-Jacques et d’Alembert –
------------------------------------------

[D’Alembert, qui ne tient pas en place]
Si j’ai tenu à vous voir, c’est que je suis inquiet de l’évolution actuelle. Ah mon Dieu Jean-Jacques, et je vous le dis sans ambages, je ne sais quelle mouche vous a piqué de prendre le contre pied des positions des Encyclopédistes.
Je ne m’y retrouve plus. Souvenez-vous, ce qui unit, c’est un idéal commun, notre volonté de promouvoir l’humanisme, notre vocation à l’universel, à défendre les droits de la personne et les libertés.
[Jean-Jacques,  immobile et silencieux]
[D’Alembert
] Vous ne dites rien ? C’est exaspérant à la fin. Parlez donc, jr vous en conjure, défendez-vous. Je suis convaincu qu’on peut encore discuter, lever les incompréhensions. Je n’ose envisager qu’il s’agisse d’une querelle avec Voltaire !
[Jean-Jacques soupire et regarde longuement d’Alembert]

- Voltaire serait-il le centre de gravité de cette constellation, sinon le centre du monde. Il en a la vocation en tous cas, correspondant avec les plus grands "monarques éclairés", du tyran Frédéric II à l’esclavagiste Catherine II. Tout tournerait-il donc autour de lui ?
[D’Alembert]

- Certes non, et j’espère que ce n’est pas une question de personnes qui peuvent cacher des oppositions de pensée. Des positions irréductibles.
[Jean-Jacques] - Ce serait trop simple. Mais des oppositions de personnes cachent parfois des enjeux autrement plus importants que de mesquines querelles d’individus.

[D’Alembert]  - J’ai bien sûr eu vent de la cabale montée contre moi. Je m’y attendais sans en prendre forcément  toute la mesure. Des attaques indignes qui visent mes proches, mon intimité. Et cela, je ne peux le souffrir.
[Jean-Jacques] - Je ne vois pas à quoi vous faites allusion. En tout cas, je ne suis pas de ceux qui colportent ce genre de rumeurs.
[D’Alembert]  - Je vous en donne acte mais je ne vous en dirais pas plus puisque d’autres personnes sont en cause, qu’en aucun cas je ne veux mettre dans l’embarras ou en porte à faux. Vous savez que la confidence n’est pas mon fort.

-----------------------------------------------------------------------
<<< Ch. Broussas, IA Acte IV 20/11/2022 © • cjb • © >>>
-----------------------------------------------------------------------

Publicité
Publicité
Commentaires
Les Chevessand
  • Histoire d'une famille, Les Chevessand, une saga à travers le portrait de quelques personnages, qui éclaire sur leur personnalité, leur parcours et les conditions de vie à telle ou telle époque.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Les Chevessand
Pages
Publicité